Le 15 mars, c’est aussi la Journée internationale des Droits des Femmes.

Chaque 8 mars, les médias, les réseaux sociaux, les politiques, tout le monde s’accordait pour « célébrer » la Journée Internationale des Droits des Femmes. Mais appuyons sur pause un instant, et prenons du recul. Quelle est la signification derrière cette Journée ? Pourquoi est-ce important de continuer à en parler, et surtout, quelle résonance a-t-elle sur le continent Africain ?

Cette Journée nous rappelle tout d’abord que les Droits des Femmes ne sont pas de l’ordre de l’acquis, loin de là. De nombreuses avancées doivent encore être réalisées, dans tous les domaines et sur l’ensemble des territoires. Il existe des dizaines d’exemples, mais s’il fallait n’en citer qu’un, je m’attarderais sur les inégalités salariales : à compétences égales, les femmes ont encore aujourd’hui énormément de mal à obtenir la même rémunération que leurs homologues masculins.

Selon une note du Bureau international du Travail (BIT), le secrétariat permanent de l’Organisation internationale du travail (l’agence onusienne en charge des questions relatives à l’emploi), le revenu mensuel des hommes est plus de deux fois supérieur à celui des femmes en Afrique. Rien qu’au Sénégal, le salaire mensuel moyen des hommes est de 290 740 FCFA (environ 440 euros) contre 127 130 FCFA (environ 190 euros) pour les femmes. C’est un écart de plus de 50 %[1].

Pour autant, cette Journée est aussi l’occasion de regarder en arrière et de réaliser tout le chemin parcouru, grâce à nos devancières, ces « Turbulentes » comme les appelle si affectueusement Géraldine Faladé[2]. « Ces pionnières déterminées, courageuses, incroyablement en avance sur la société de leur temps », ces femmes qui ont osé, certaines malheureusement moins bien connues des jeunes générations, qui n’ont pas hésité à prendre la cause des Droits des Femmes à bras le corps, à défendre leurs idéaux et leur communauté. A l’image de Funmilayo Ransome-Kuti, qui fut celle qui amena le droit de vote aux femmes nigériennes, ces femmes militantes nous ont passé le relai, et il nous revient de le reprendre aujourd’hui.

Voilà pourquoi il est toujours aussi important de dédier une journée, symboliquement, à la lutte pour les Droits des Femmes : car il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

Les femmes représentent plus de la moitié de la population mondiale, elles font indéniablement partie de la solution. Il est primordial, notamment, que les femmes accèdent de manière beaucoup plus généralisée à des domaines encore considérés comme « chasse gardée » des hommes, tels que l’aviation. Les femmes pilotes de ligne restent encore des parcours d’exception, à l’instar de certaines femmes scientifiques, sapeur pompier, ingénieures… alors que ces rôles modèles contribuent à révolutionner leurs professions. Cette Journée est aussi une invitation à valoriser ces femmes de talents, et c’est l’un des rôles de la communication que de mettre en lumière ces expertes. Nous aurons réussi notre mission lorsque voir une femme pilote ne sera plus exceptionnel.

Une inégalité dont on ne parle peut-être pas assez et qui pourtant est une de celles qui persistent le plus, est l’inégalité qui existe entre les femmes elles-mêmes. En effet, celles vivant dans la ruralité sont celles qui ont le moins accès à l’éducation, à la formation, à un cadre économique et social favorable. Cela me fait penser à l’organisation Shine to Lead, portée par Nayé Anna Bathily, à qui j’adresse une pensée particulière. De nombreuses jeunes filles brillantes se retrouvent à devoir abandonner leurs études par manque de moyens financiers au sein de leur famille. Grâce à cette organisation, ces dernières, souvent issues de villages isolés ou excentrés, ont la possibilité d’être mentorées, accompagnées et d’avoir accès à des bourses pour continuer à être formées. Shine to Lead a porté, et continue de porter, de magnifiques initiatives pendant la pandémie du Covid-19, en permettant à ces jeunes filles de continuer à avoir accès à l’éducation malgré la fermeture des écoles : des rencontres avec des professionnelles aux profils extrêmement variés, que ces jeunes bénéficiaires n’ont pas l’habitude de côtoyer, qui sont autant de chances pour elles de s’identifier et de ne rien s’interdire. Nous avions eu la chance de faire partie d’une de ces rencontres, et nous nous souviendrons toujours de l’implication, de l’intérêt, de la curiosité et de la soif d’apprendre de ces jeunes filles.

En Afrique, la question des Droits des Femmes a toujours existé et le continent fait même figure d’exemple à ce sujet, comparé à certaines sociétés occidentales. Nos sociétés sont éminemment matriarcales, au sein desquels les femmes ont une place extrêmement importante, notamment au sein de la famille. Elles travaillent, sont en charge d’un foyer mais également garantes de l’éducation des enfants… Elles sont sur tous les fronts, en même temps : mère, épouse, femme.

Autre exemple : certains pays d’Afrique sont bien plus avancés sur la question de la représentativité en politique. Le Rwanda est le meilleur élève au monde, avec 61,3 % de députés femmes à la chambre basse, aux côté de six autres pays africains figurant dans le top 20 des pays comportant le plus de femmes au sein de leur Parlement : la Namibie (7e), l’Afrique du Sud (10e), le Sénégal (11e) et le Mozambique (17e)[3]. En politique comme ailleurs, le continent a cette dimension de précurseur.

La pandémie aura malheureusement davantage mis en exergue les inégalités entre les hommes et les femmes, notamment sur le plan économique : aujourd’hui, 90 % des femmes africaines travaillent dans l’économie informelle, sans protection sociale[4]. Cependant, je ne le répèterai jamais assez, l’Afrique est un vivier incroyable de résilience, d’innovation et de créativité, et n’oublions pas que les femmes africaines sont particulièrement ingénieuses. Regardez Les Tontines, ces associations regroupant des membres d’un clan, d’une famille, ou encore des voisins, qui décident de mettre en commun leurs biens au service de tous. Ces femmes ont imaginé des systèmes sur leurs smartphones pour tout de même réussir à s’entraider, malgré les interdictions de se rassembler…

Cette Journée internationale des Droits des Femmes n’est pas tant une Journée de « célébration », mais bien une Journée pour faire le bilan. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Quels progrès ont été réalisés ? Quels sont les sujets sur lesquels il ne faut rien lâcher ?

N’attendons pas le 8 mars pour nous organiser et pour faire avancer le curseur de manière significative. Ayons conscience de nos privilèges. Utilisons nos plateformes pour en parler, pour s’encourager les unes les autres. Les messages, les valeurs, les combats portés fièrement chaque 8 mars doivent perdurer tout au long de l’année, car cette réalité, les femmes la vivent au quotidien, 365 jours par an. 


[1] [4] « Il n’y aura pas d’égalité salariale en Afrique si les autres discriminations ne sont pas réglées » – France Info

[2] Turbulentes, Editions Présence Africaine, 2020

[3] Infographie Jeune Afrique – 2019